Il y a 70 ans , le 25 novembre 1944, jour de la Ste Catherine, . . .
Qui étaient ces G.I. (*) qui ont libéré nos villages de la moyenne Vallée de la Bruche
de Schirmeck à :
Hersbach
Wisches
Lutzelhouse
Urmatt
Niederhaslach
Oberhaslach
jusqu’au verrou de Heiligenberg ?
François Hubinet Lutzelhouse, indice a : octobre 2014.
(*) Le sigle G.I. : La totalité de ce qui formait l’armée américaine, du canon au sous-vêtement,
portait l’empreinte écrite G.I. : « Government Issue » (Fourniture d’Etat). Par dérision les soldats se sont eux-mêmes surnommés G.I.
De même, leur passe-partout 4×4, dont le surnom Jeep vient de : Government Property, alors que Larousse propose : General Purpose (tous usages).
Le G.I. ne porte aucun insigne, ni de l’arme, ni du régiment, seulement l’emblème de sa Division, porté en haut du bras;
Pour la 3rd ID US : 3 bandes blanches sur fond bleu, le bleu étant la couleur de l’infanterie;
Pour la 100th ID US : le nombre 100 , mi-blanc, mi-jaune, sur fond bleu.
Aucun des Villageois interrogés n’a été capable de me décrire l’insigne des premiers G.I. arrivés !!!
Dans le Bulletin d’Information Municipal de Lutzelhouse N° 9 de fin 1994, j’ai, – alors adjoint- publié quelques pages à l’occasion du cinquantième anniversaire de la libération de notre village.
Certes, beaucoup de points de détail de cet article seraient à reprendre, mais il en est un plus important qui doit l’être; car je n’avais, comme tous les autres rapporteurs de ces événements dans notre vallée, (cf. Essor N°204), pas encore toutes les informations, notamment le livre paru aux USA narrant l’histoire de la 100th Infantry Division US, ni lu l’ouvrage de J. Laurain sur la libération des Vosges et l’épopée du 6th Army Corps US, paru en 1994.
En effet, j’avais alors attribué la libération de ces villages au 15th Infantry Regiment US de la célèbre 3th ID, dite « Marne Division »- surnom dû à sa présence dans la première guerre mondiale-.
Donc, comme dans les Evangiles : Rendons à César ce qui lui appartient…!
Ces G.I. appartiennent au 399th IR US de la 100th ID US, la « Century ».
Cette division, bien que n’ayant pu fêter longuement le Thanksgiving Day -journée d’action de grâce- le 23 novembre, après avoir passé les cols vosgiens, atteint la Bruche le 24 à Rothau, y rejoint la 3th ID US, puis traverse Schirmeck.
Le 25, le 3ème bataillon du 399ème va progresser sur la route nationale, en direction de Strasbourg, en libérant nos villages, quasiment sans combat.
Le 26, le Corps d’Armée décide de retirer immédiatement toute la 100th ID US, d’abord en la regroupant vers Moyenmoutiers, afin de l’envoyer en Lorraine pour assurer la couverture Nord de la 7ème Armée, car la 2ème DB de Leclerc ayant réussi sa percée et libéré Strasbourg, a laissé un vide.
Comme le 15th IR US prend la suite du 399ème dans la vallée, libère Mutzig puis Molsheim le 26, ( bien que le Fort ait résisté jusqu’au 5 décembre) et que un de ses régiments frères -le 30ème- continue vers Grendelbruch, il n’y a eu aucun arrêt dans l’action.
Ceci explique pourquoi aucun des habitants de ces villages n’a de souvenirs précis de ces hommes libérateurs.
Articulation de la 100th ID US au sein de l’armée américaine.
Les forces armées américaines en Europe, en novembre 1944, sont organisées, en partant de l’unité la plus élevée, et dans notre région, en :
-) Army Group
(Groupe d’armées) au nord de la RN 4 : XIIème de Bradley.
» sud » : VIème de Devers.
-) Army
(Armée) Pour le XIIème, au nord de la RN 4 : 3ème de Patton.
Pour le VIième, » sud » : 7ème de Patch.
Et au sud de Gérardmer: 1ère Armée Française de de Lattre.
-) Army Corps
(Corps d’armée)Pour la 7ème de Patch : au sud de la RN 4 : 15ème de Haislip.
au sud de Baccarat : 6ème de Truscott.
Un Army Corps est composé, en principe : de 2 Infantry Division
et de 1 Armored Division (Division Blindée);
Par exemple, le 15th Army Corps de Haislip comprend : la 79th ID de Wyche,
la 44th ID de Spagins,
la 2ème DB de Leclerc,
Le 6th Army Corps de Truscott du nord au sud, à la mi-novembre :
La 14th AD de Smith venant de Marseille après le 22/11,
La 100th ID de Burress, arrivée de Marseille le 1/11 au nord de Moyenmoutiers,
La 3rd ID de O’Daniel, venant de Provence » de Saint-Michel,
La 103rd ID de Haffner, arrivant de Marseille » du Saulcy,
La 36th ID de Dahlquist venant de Provence au sud du Saulcy.
Il est à noter que la 7ème Armée de Patch, 3ème, 36ème,45ème ID, venant d’Afrique du Nord, d’Italie,puis de Provence, manquait de personnel, et avait sévèrement souffert dans la première partie des Vosges, pour passer de la vallée de la Moselle à celle de la Meurthe.
Ainsi, la 100ème ID remplace dés son arrivée la 45ème, et la 103ème est insérée entre la 3ème et la 36ème. Ces trois unités de vétérans étaient ou d’active, ou émanaient, à leur réactivation, d’unités de la Garde Nationale avant de débarquer en Afrique.
Ce n’est pas le cas des nouvelles divisions, qui ont reçu une formation beaucoup plus longue et plus complète aux Etats-Unis.
-) Infantry Division
(division d’Infanterie)
L’Armée américaine s’appuie sur le chiffre d’or 3, largement copiée sur l’organisation de l’Armée allemande :
La « Century » est commandée par le Major General Withers A. Burress.
Son effectif est d’environ 15.300 hommes. Outre le Quartier Général, elle est composée
de : 3 Infantry Regiment : 397th IR, Colonel Ellis, puis King le 17/11;
398th IR, » Fooks;
399th IR » Tychsen;
325th Engineering Combat Battalion, (génie)
117th Cavalry Squadron, (reconnaissance)
100th Signal Company, (transmission)
100th Quartermaster Company, (intendance)
325th Medical Battalion,
4 Field Artillery Battalion : 373rd, (1×12 Howitzer de 155mm)
374th, (3×12 Howitzer de 105mm)
375th, «
925th, «
898th AntiAircraftArtillery Battalion (défense anti-aérienne)
800th Ordnance Company, ( matériel)
753rd Tank Battalion, (Shermann M4, 32 t, canon 75, 45k/h)
636th Tank Destroyer Battalion,( » M10, 30t, canon 76, 50k/h)
(Chasseur de char)
1 Chemical Battalion,
1 Military Police Platoon,
1 Divisional Band.
Le Commandant de la Division a une grande liberté; il peut créer une « Task Force »(force tactique) pour réaliser un but précis; celle-ci est alors commandée par un Brigadier Général
-adjoint du Commandant- ou par un Colonel commandant un régiment; elle peut être composée par des éléments de la Division, et/ou même d’une autre Division voisine.
-) Infantry Regiment
4
(régiment d’infanterie)
En principe, sur les trois régiments frères de la Division, deux sont au combat, et le troisième est en réserve, par roulement.
Il est commandé par un colonel.
Son effectif est de 3.600 hommes.
Il est composé de : 1 Head Quarter Company
3 Riflemen Battalion
1 Field Artillery Battalion
et de toutes les compagnies de soutien :
Tank Cy,
Engineer Cy,
Cavalry, Signal, Medical, Ordnance,Quatermaster Cy etc.
Avec tous ses soutiens, le régiment d’infanterie devient un « Combat Team »
-) Infantry Battalion
(bataillon d’infanterie)
Le bataillon d’infanterie -1000 hommes- est la plus petite unité autonome, il est composé de:
4 compagnies dénommées 1er bat. Cy A, Cy B, Cy C & Cy D;
2ème bat Cy E, F, G, H;
3ème bat Cy I, K, L, M; il n’y a pas de J.
Chacune des trois premières (193 hommes) est composée de 3 Rifle Platoon (section de voltigeurs), chacune de 3 Squad de 12 hommes plus une section d’armes légères : 2 mitrailleuses de 30 et 3 mortiers de 60..
La quatrième compagnie est celle des armes lourdes (Heavy Weapons): 8 mit. de 50 et
6 mort. de 81,en tout 152 hommes et 8 officiers.
La compagnie de Commandement possède en outre une section antichars avec 3 camion-
nettes de 1,5t (6×6) et 3 canons de 57mm.
Histoire de la 100th Infantry Division U.S. « Century ».
-) Elle est créée en novembre 1942 à Fort Jackson, en Caroline du Sud. Son chef est un ancien de la 1ère guerre mondiale : le Major General W.A. Burress. Elle sera composée d’Américains de toutes les couches sociales des Etats du nord-est des Etats-Unis. Sa formation, car ce sont de vraies « Marie-Louise », comme dit ci-dessus, sera donc longue et soignée: au moins un an, suivie de grandes manoeuvres exécutées en hiver dans le Tennessee,
où les soldats vont avoir -sans s’en douter- une idée de ce qu’ils vont rencontrer dans les Vosges plus tard.; puis nouvel entraînement à Fort Bragg en Caroline du Nord, et enfin:
-) Embarquement à New-York le 6 octobre 1944, puis arrivée à Marseille le 20/10.
Débarquement difficile du fait de la destruction partielle du port, suivi d’une longue marche de 20 km, jusqu’à la base de rassemblement installée à Septèmes-les-Vallons, au nord de la grande ville.
-) Le 29/10, le 399ème est le premier à partir vers le Nord par camions. Il arrive le 1/11 à Frémifontaine (entre Rambervillers et Brouvelieures). Dés le lendemain, il commence à relever la 45ème Division. Son premier coup de canon est tiré le 1/11 à 17 00 à Housseras,
et il a un tué et quelques blessés le 3/11 à Saint-Rémy-La Salle.
-) Les trois régiments sont en place le 8/11.
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Le 12/11, le 398 plus l’escadron de reconnaissance est sur la Meurthe, entre Etival et Baccarat.
les 397 & 399 sont au nord de Raon-l’Etape.
Le 15/11, le 397 prend Raon-l’Etape.
Le 19/11, le 398 traverse la Meurthe et se dirige vers Senones, par la vallée du Rabodeau;
le 399 se dirige vers Celles-sur-Plaine, par la vallée de la Plaine.
-) Pendant ce temps, au nord de la Century, la 2ème D.B. commence sa percée pour libérer Strasbourg en partant de Baccarat, dont le pont sur la Meurthe n’a pas été démoli; alors qu’au
sud , la 3ème Division U.S. se dirige vers Provenchères et le Col de Saales, avec pour but de descendre la vallée de la Bruche pour atteindre Strasbourg.
-) A partir du 22/11, l’Etat Major américain remarque un changement de la volonté de l’ennemi de tenir le terrain. Les 3 régiments se mélangent alors en deux : la Task Force « Fooks »(397 & 398) se dirige de Moyenmoutiers vers le Col du Hantz, puis Saint-Blaise-la-Roche où elle rejoint la 3ème ID le 24, après avoir eu quelques difficultés à Senones et au Vermont; l’autre partie remonte la vallée de la Plaine vers le Donon; enfin le 399ème, avec les premiers éléments de la 14th Armored Division arrivant de Marseille, avance au nord : Grandfontaine en passant par Salm et Les Quelles où 22 soldats de la Wehrmacht se rendent; Schirmeck est libéré le 24/11 par les deux divisions : 3ème & 100ème.
-) Le 25/11 au soir, la 100ème est retirée du front et la 3ème la remplace dans notre moyenne vallée. Pendant ce mois de novembre,et pour son baptême du feu, en traversant les Vosges, de la Meurthe pour arriver en Alsace, les soldats de la Century paient un prix élevé :
222 tués ( dont 9 officiers)
26 « missing in action » ( dont un officier) – disparus ou prisonniers-
848 blessés.
-) Affectée alors au 15ème Corps d’Armée de Haislip, la Division est d’abord mise en réserve, avec son P.C. à Sarrebourg. Elle reprend les combats le 3/12, entre La Petite Pierre, Ingwiller et Wingen sur Moder, puis Lemberg, pour enfin entamer le 11/12 la longue bataille de Bitche et de ses Forts.
-) La contre-attaque allemande « Nordwind » de début janvier 1945 trouve la Century au nord de Rohrbach : Réderching et Rimling.
La division reste dans cette région jusqu’à fin mars.
Elle se dirige ensuite vers Ludwighafen, Mannheim, où elle traverse le Rhin; puis le Neckar.
Elle se bat autour de Heilbronn du 3 au 12 avril, puis descend plein sud vers Backnang puis Stuttgart atteint fin avril.
-) Après l’armistice la Century reste dans cette région en occupation jusqu’à la fin de l’année.
Courant décembre 1945, elle rejoint Marseille pour embarquer pour les Etats-Unis.
Enfin, la 100th I.D. U.S. est désactivée le 11 janvier 1946.
-) En 6 mois de combat de combat, elle a perdu :
916 soldats,
180 missing in action,
3656 blessés.
Et elle a fait 13.151 prisonniers. ( l’équivalent de l’effectif de la division !).
6
Pour atténuer la sécheresse de l’exposé précédent, et pour se replonger un peu dans l’atmosphère de l’époque, l’idée m’est venue d’évoquer,- alors que nous vivons, malgré tout, une ère de prospérité- la surprise des populations récemment libérées. En effet, venant de vivre une longue période de « restrictions », dans tous les domaines, et notamment quant à la nourriture, tout le monde a été surpris -y compris, et surtout les enfants pour les bonbons et le chocolat- par la pléthore de nourriture de ces G.I., qui, par ailleurs, n’étaient pas chiche pour partager :
La nourriture des soldats américains en 1944, en France:
Quand l’unité était dans une position où elle pouvait être ravitaillée en nourriture chaude, l’ordinaire était la Ration B; préparée aux cuisines, et composée de produits en conserve : légumes, fruits, viande, ou déshydratés : pommes de terre, oeufs.
En opération, la ration la plus utilisée est la « 10 en 1« . C’est une ration de soutien quand on ne peut ravitailler ce qui a été préparé en cuisine, mais quand on est suffisamment à l’abri pour une préparation par petits groupes. Elle est prévue pour 10 hommes/1 jour. Emballée pour un repas de 5 hommes, dans une caisse de 49 livres et contient les composants d’un des 5 menus différents : combinaison variée de 16 boîtes de viande (rôti de porc, boeuf, lard, jambon),
3 types de biscuits,
5 types de gâteaux,
5 sortes de céréales ou légumes,
beurre, sucre, lait, boissons,
allumettes,ouvre-boîte, serviette, savon, papier toilette,
pastille purificatrice d’eau, cigarettes,
soit 4.100 cal. par homme/jour.
La ration C, plus agréable, mais plus volumineuse, était emballée en 6 petites boîtes , soit, pour 8 rations, 48 boîtes dans une caisse de 22 livres. Trois des boîtes (1/repas) contiennent 1 des 10 plats de viande + haricots, nouilles, riz, légumes, – les trois autres boîtes (d° 1/repas) contiennent le pain, les biscuits, sucre, confiture. Il y avait en plus les accessoires habituels : cigarettes, allumettes, tablette de sel , tissu toilette;
soit 3.800 cal. par homme/jour.
Une Ration de survie D était disponible en cas d’urgence. Elle consistait en une « barre de chocolat » de 4 onces (120 g) de chocolat, sucre, lait, beurre de cacao, farine, vanille, et vitamine B1.
soit 1 ration = 3 barres = 1.800 cal.
Mais la ration la plus courante était la Ration K créée, à l’origine pour les parachutistes. Cette ration était largement répandue dans l’infanterie à cause de sa petitesse et de son faible poids : une nourriture emballée dans une boîte en carton, à l’abri de l’eau, de la taille d’une brique, pesant 1 livre.
12 rations pour une escouade soit 36 boîtes dans une caisse en bois de 50 livres. Chacune comprenait à peu près 120 g d’une ou autre viande, viande et oeufs, ou fromage, avec biscuit,gâteau, chewing-gum, boisson sucre, cigarettes.
soit 2830 cal.
Dans son « fox-hole » (trou individuel de 60x60x60cm) le G.I. pouvait lire sur l’extérieur :
« Ration type K, dîner individuel : Ouvrir avec précaution l’étui intérieur, il peut être utilisé
7
comme étui étanche pour les cigarettes, les allumettes. Par précaution, ne pas jeter les boîtes vides,les papiers ou autres si elles peuvent être vues du ciel – les couvrir de sable, feuilles ou boue ».
En retournant la boîte, il pouvait lire le contenu. Par exemple :
2 paquets de biscuits -Energy crackers-,
1 boîte de fromage – à manger froid-,
1 pochette de poudre citron ou orange, y ajouter eau chaude ou froide,
1 pochette de sucre en poudre,
1 étui de 4 cigarettes,
1 pochette de 10 allumettes,
1 rouleau de bonbons,
1 barre de chewing-gum.
Mais, quand ils le pouvaient, ces G.I. étaient tous friands de pommes de terre rôties, et ils ne manquaient pas d’apporter des morceaux de lard gras dont leurs cuisines, chauffées par « gasoline », étaient largement pourvues, pour qu’on puisse les leur cuire !
Mais ils étaient également non moins friands de schnaps !
Mes sources:
-) R.Mc. Hair, G Bernage « Bataille d’Alsace » Edit. Heimdal 1992
-) J. Laurain « La Libération des Vosges »
Epopée du VIth Army Corps US Edit. Gérard Louis 1994
-) Collectif « The Story of the Century »
The 100th Infantry Division
in World War II Edit. The Battery Press 1979.
François Hubinet Lutzelhouse, septembre 2014.
indice a, octobre 2014.